Tourisme

Les trésors de la baie de Morlaix

Tout le Finistère n’est pas au bout du monde. Si Morlaix et sa baie prennent des allures de 21e arrondissement de Paris en été, ce Finistère nord des artichauts et des palmiers, des plages et des clochers, des îles éternelles et des cairns dolméniques est bel et bien breton 365 jours par an. L’arpenter sur les routes devenues paisibles grâce à la limitation à 80 km/h, c’est aller de merveille en merveille dans un triangle qui relie Roscoff, Carantec et Guimiliau.

Roscoff, l’accord terre-mer

Le cœur battant de cette petite ville portuaire est à sa pointe, ­entre le Vieux Port et l’anse du Laber. Face à la Manche, la petite cité est chaleureuse pourvu qu’on pousse la porte des estaminets. On peut dormir et (très bien) dîner à l’Hôtel Brittany. Son restaurant, le Yachtman, mérite bien son étoile. Depuis la salle principale, les arcades des baies vitrées offrent un premier plan gothique au spectacle de la mer. Le feu crépite dans la cheminée. Dans les assiettes, la terre et la mer se marient : le tourteau de Roscoff voisine avec le cochon de lait, les huîtres annoncent le sablé breton du dessert. C’est un régal.

Cousin continental du jardin Georges-Delaselle, sur l’île de Batz, le jardin exotique et botanique de Roscoff réunit des collections rares de plantes venues principalement d’Afrique du Sud, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, du Chili ou du Mexique… La serre à succulentes, le rocher au sommet duquel la vue sur le port en eau profonde et la baie est splendide, ou encore la palmeraie sont autant de mini-jardins dans un ensemble qui n’usurpe pas son nom. L’exotisme est d’autant plus vif ici que ce sont des champs d’artichauts qui entourent les lieux.

A Batz, gingembre et impatience

Depuis Roscoff, à marée basse, l’embarquement pour l’île de Batz se fait au bout de l’estacade, une longue passerelle qui s’achève par des marches qui plongent dans la mer, à dix minutes à pied du quai. Sur l’île, c’est marche à pied ou vélo. Si on file à la pointe orientale, on découvre le jardin Georges-Delaselle, qui réserve bien des surprises. Grâce à l’influence du Gulf Stream, il y pousse des palmiers d’Asie et des protées d’Afrique. Redécouvert dans les années 1980, ce jardin créé de toutes pièces par un assureur parisien à partir de 1898 est un des plus beaux de France. Gingembre, impatience du Zaïre, digitale des Canaries : à la belle saison, les noms des fleurs suffisent à faire rêver.

« S’il n’y a pas d’hiver, cela n’est pas l’été », chantait Brel en souvenir des Marquises, et c’est aussi le cas à Batz : la rançon des hivers doux, ce sont des étés parfois humides et sans vraie chaleur… même si là comme ailleurs les températures montent depuis quelques dernières années. Du sommet du phare, à 67 mètres au-dessus du niveau de la mer, le spectacle du bocage insulaire est magnifique. Sur 170 hectares de terres cultivables, les parcelles de pommes de terre, de choux-fleurs, d’asperges ou de fenouils rythment les saisons. Les marins pêcheurs de l’île contribuent aussi à sa réputation d’une autarcie rêvée.

Plouescat version Seychelles

A l’ouest de Roscoff, les blocs de granit des plages de Plouescat évoquent les Seychelles. Au Roc’h ar Mor, un restaurant familial un peu bourru, on déjeune face à la mer au bout de la plage de ­Porsmeur. Sur l’ardoise, les moules et le civet de joue de porc tiennent la vedette d’une carte sans chichi. Et pourtant, quel luxe, pour 25 euros, de se régaler face à un si beau paysage !

A Guimiliau, quel calvaire !

Pour rejoindre les enclos paroissiaux, il faut rouler plein sud depuis Roscoff, par la vallée de la Penzé qui conduit vite à Guimiliau. L’enclos de Guimiliau est typique : une église centrale, une porte monumentale, un calvaire et un mur d’enceinte qui entoure l’ensemble. Il est si parfait qu’il dit tout de l’opulence villageoise des XVIe et XVIIe siècles dans ce coin de Bretagne. Le commerce des toiles de lin agissait alors comme une manne dans ces contrées éloignées du pouvoir royal. Le grand calvaire rassemble des dizaines de personnages, tantôt vêtus à la mode d’Henri III, qui régnait à l’époque de sa construction, tantôt en habits bibliques de la Palestine du début de notre ère. Le grand porche et l’admirable chapelle funéraire rivalisent depuis l’extérieur avec le faste du mobilier qu’on trouve sous les voûtes bleues de l’église : les fonts baptismaux et les retables aux mille couleurs témoignent du génie des artistes anonymes du début du règne de Louis XIV. Il faut se méfier des enclos paroissiaux : ils peuvent provoquer une addiction.

Ceux qui ont l’esprit collectionneur voudront les voir tous, pour ne pas manquer le retable de ­Commana, l’ossuaire de Sizun ni la poutre de gloire de Lampaul-Guimiliau. A Guimiliau, un tout nouveau Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP) « Les Enclos » permet aux petits et aux grands de mesurer la diversité de ces édifices uniques au monde.

A Carantec, un fort et des huîtres

De la plage du Kelenn, à Carantec, le bateau qui conduit au château du Taureau vogue à vive allure. Planté au milieu de la baie dont il gardait l’entrée, ce fort du XVIe siècle agrandi par Vauban au XVIIe est devenu la vedette du tourisme local. Carantec, elle, est une station balnéaire cossue, qui cache dans son quartier le plus huppé, à la pointe de Penn al Lan, deux trésors : le parc Claude-Goude qui descend en pente pas si douce vers les parcs à huîtres, et les huîtres de Prat ar Coum, l’exploitation d’Alain Madec. Cet ostréiculteur de père en fils a installé quelques ­tables les pieds dans l’eau pour déguster ses huîtres en toute simplicité, simplement accompagnées d’un verre de blanc, ou des tartines de rillettes de maquereau.

Avant de quitter Carantec, les marcheurs n’oublieront pas de faire une ballade sur l’île Callot, ­petite merveille de 40 maisons que la marée haute coupe du ­continent la moitié du temps.

Le Parthénon de Barnenez

Tel un géant de pierre, le grand cairn de Barnenez semble dormir sur la rive droite de la baie de Morlaix, face à la mer. Cet énorme mausolée, 75 m de long et 28 m de large, dissimule onze chambres funéraires réparties en deux parties jointes mais d’âges différents : le cairn primaire en ­dolérite, une roche locale, est plus sombre que le cairn secondaire, postérieur, auquel il sert d’appui. Ce dernier est constitué de moellons et de grandes dalles en granit de l’île Sterec. Les onze dolmens à couloir du néolithique furent ­exhumés en 1955 par des ouvriers qui utilisaient le cairn comme une carrière.

Les fouilles et la longue restauration qui suivirent ont mis au jour cet exemple unique d’architecture mégalithique qui reste difficile à dater précisément, ­probablement entre 4 500 et 3 900 ans av. J.-C. Dans ce « Parthénon de la préhistoire » – pour reprendre la belle expression d’André Malraux – certaines dalles sont ornées de décors dont la valeur symbolique n’est pas entièrement claire : une lame de hache en triangle pour la force, une « idole à chevelure rayonnante » qui serait l’évocation d’une déesse de la fécondité et de la mort, ou encore un U pour les bêtes à cornes et des « zigzags » qui évoqueraient l’eau.

Les beautés de Morlaix

Enfoncée dans une vallée, dominée par un viaduc omniprésent, la ville de Morlaix est un cul-de-sac. Si son charme n’est pas immédiat, il finit par être profond pour le visiteur qui prend le temps de l’exploration. Le marché du samedi matin, place des Otages, devant la mairie, la découverte de la Maison à Pondalezau 9, Grand’rue – typique de ces bâtisses à pans de bois du XVIe – et la promenade sous les arches du viaduc sont les clés d’une première approche. Depuis la partie intermédiaire de cet ouvrage d’art à deux étages, accessible à pied, le paysage s’ouvre au nord, où la rivière file vers la baie.

A l’étage supérieur, les trains vont et viennent de Paris-Montparnasse. C’est grâce à eux que cette terre exotique et pas si lointaine est aussi capitale, un peu parisienne quand viennent les vacances mais si bretonne, finalement, en toutes saisons.

Source: lemonde.fr/m-voyage/

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